This is a reproduction of a library book that was digitized
by Google as part of an ongoing effort to preserve the
information in books and make it universally accessible.
Google books
https://books.google.com
Google
À propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, 1l n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
“appartenir au domaine public” signifie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l’ouvrage depuis la maison d’édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d’utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s’agit toutefois d’un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l’usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d’utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N’envoyez aucune requête automatisée quelle qu’elle soit au système Google. S1 vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d’importantes quantités de texte, n’hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l’utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l’utilisation que vous comptez faire des fichiers, n’oubliez pas qu’il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n’en déduisez pas pour autant qu’il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d’auteur d’un livre varie d’un pays à l’autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l’utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l’est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d’auteur peut être sévère.
À propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l’accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frangais, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l’adresse http : //books.gqoogle.com
nids 1 +
# » «+
: L
L éme
QU
==
00
©
à
ë
=
ges dr +
TEE g POOTU OS DROIT
À
#
-
2
VE,
Google
Digitized by
MÉMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ DES SCIENCES,
DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS
DE LILLE
CINQUIÈME SÉRIE
FASCICULE I
FÊTES ET MARCHES HISTORIQUES EN BELGIQUE ET DANS LE NORD DE LA FRANCE
Par Mer DEenaisxes.
FÉTES
MARCHES HISTORIQUES
EN BELGIQUE
ET DANS LE NORD DE LA FRANCE
Me DEHAISNES,
ARCHIVISTE HONORAIRE DU DÉPARTEMENT DU NORD.
LILLE.
IMPRIMERIE L. DANEL.
1895.
À Monsieur ÉuiLe BIGO-DANEL :
Président de la Commission formée à Lille en 1892,
pour célébrer le Centenaire de la levée du siège de cette ville
par les Autrichiens.
Monsieur ,
La dédicace de ces pages vous est due.
C'est à l’occasion de la Marche historique de Lille qu'elles
ont été écrites. Or, sans vous cette Marche historique n'aurait
pu être organisée. Il a fullu votre expérience des hommes et
des choses el votre inain aussi souple que ferme, pour mener
& bonne fin cetle grande el difficile entreprise, pour faire
sorlur de lerïre, en gnelque sorte, cel ünmense cortège, compre-
nant sept grandes époques de l'histoire de Lille, qui a éyalé,
sinon dépassé, ce qui avait élé fait précédemment en ce genie,
non seulement dans notre ville, mais dans les Pays-Bas
el en France.
Tous ceux qui ont fait partie des comités formés à l’occasion
du Centenaire et qui, de près ou de loin, ont pris part à
Porganisalion du cortège, ont déclaré hautement qu’en ces
céconstlances vous avez bien mérilé de Lille el de tout le
nord de la France. Ce lémoiynage unanime de tous vos
concitoyens, auquel s’est associée la reconnaissance de toute
—2—
une vaste région , sera l’un des honneurs de votre vie : il vaut
les plus hautes distinctions honorifiques.
_ Ayant été à même, mieux encore que beaucoup d’autres,
d'apprécier l’élendue et l'importance des services que vous
avez rendus, je me fais un devoir el un bonheur d'inscrire
votre nom en têle de ces pages et de vous prier de vouloir
bien agréer l'hommage de mon modeste travail.
C. DEHAISNES.
Lille, le 20 Septembre 1893.
FÊTES
ET MARCHES HISTORIQUES
EN BELGIQUE
ET DANS LE NORD DE LA FRANCE.
Les anciennes provinces des Pays-Bas se sont fait remar-
quer, depuis des siècles, par le nombre, la variété et la
magnificence de leurs fêtes publiques. Les cérémonies reli-
gieuses, les entrées des souverains, les festins princiers, les
tournois, les concours poétiques, les centenaires de miracles,
de sièges et de batailles, en un mot la plupart des grands
événements de la vie religieuse, sociale et politique, ont été,
dans cette contrée, l’occasion de cortèges, de pompes
triomphales et d’un grand déploiement de luxe. L'histoire
et la légende étaient souvent rappelées dans ces commé-
morations du passé, et, pour leur donner plus d'éclat, on
avait recours à d’habiles ouvriers, à de véritables artistes. Il
serait possible de suivre le mouvement des idées et de l’art
dans les Pays-Bas, en étudiant la nature et le caractère des
fêtes publiques qui y ont été célébrées.
Ce qui a donné à ces fêtes leur importance et leur richesse,
c’est l'esprit de foi des habitants et leur amour pour leur
église, leur cité et leurs traditions locales, c’est le luxe des
comtes, des seigneurs et du clergé, c’est la richesse des
bourgeois sans cesse accrue par l’industrie et le commerce,
— À —
c’est l’organisation puissante des corporations et des confré-
ries, c’est le goût des artistes flamands pour la vérité et la
couleur dans l’art et dans la décoration des monuments.
Quelques écrivains ont dit que les Pays-Bas ont emprunté
à l'Espagne les caractères qui ont distingué leurs fêtes; ces
écrivains ne s'étaient pas rappelé que les Espagnols n’ont
dominé en Flandre qu’à partir du commencement du
X VI® siècle et que les fêtes dont nous parlons étaient déjà
populaires, dans les Pays-Bas, longtemps auparavant. Nous
prouverons cette assertion par des faits nombreux dans
le cours de ce travail; nous nous contenterons de citer
maintenant, à ce sujet, les vers d’un poèle artésien du
XVE® siècle, Martin Lefranc :
Va-t-en aux festes à Tournay.
A celles d'Arras et de Lille,
D'Amiens, de Douay, de Cambray,
De Valenciennes et d'Abbeville ;
Là verras-tu de gens dix mille !
Nous voudrions, dans les pages qui suivent, non pas
reproduire les programmes et présenter la nomenclature
des nombreux cortèges historiques, religieux et civils, qui
ont été organisés depuis des siècles dans les anciennes
provinces des Pays-Bas. Ce travail a été fait d’une manière
assez étendue par M. le baron de Reinsberg-Düringsfeld
dans ses lêles reliyieuses el ciriles des PBelyes anciens et
nodernes (1), par M"° Clément Hemery dans ses #'éles civiles
et religieuses du Nord de la France (2) et par M. Arthur
Dinaux, en tête de l'ouvrage quia pour titre : Description des
Fêtes populaires données à Valenciennes (3). Notre but est de
présenter le tableau, pour chaque époque, de deux ou trois
des principales cérémonies, avant un caractère historique et
arüstique, qui ont été célébrées depuis le XI siècle dans
les Pays-Bas, et de suivre ainsi, en ses grandes lisnes, le
(1) Bruxelles, 14861. 2 vol. in-&.
(2) Avesnes, 1846.
(3) Lille, 1856.
6
mouvement qui s’y est opéré tout à la fois dans les idées,
dans l'art et dans les fêtes publiques.
[.
DOUZIÈME ET TREIZIÈME SIÈCLES.
LES PROCESSIONS DE PÉNITENCE ET LES FÊTES JOYEUSES.
L'esprit profondément religieux des populations des Pays-
Bas se manifesla surtout, du XI° au XIV®siècle, par des pro-
cessions de pénitence ou d'actions de grâces instituées pour
rappeler la cessation d’épidémies et de calamités publiques.
À celle de Notre-Dame du Saint-Cordon, élablie l’an 1008 à
Valenciennes, après que cette ville et sa banlieue eurent été
niraculeusement délivrées de la peste, les membres de la
confrérie des Royés, revêtus d’une robe à raies noires et
tenant à la main une baguette blanche en souvenir du
bâton blanc des lépreux et des pestiférés, étaient nu-pieds
et nu-tête, lorsqu'ils portaient la chässe du Saint-Cordon à
travers la ville, et il en était de même des innombrables
fidèles qui suivaient, lorsqu'ils obtenaient l'honneur envié
de soutenir un inslant le précieux fardeau durant la pro-
cession qui se faisait dans la banlieue. Plus tard, il y eut
une seconde confrérie, celle des Damoiseaux, formée de
ge ntilshommes et de bourgeois notables qui portaient un
riche costume avec un lis en perles el les mots : Ave Maria
brodés sur la manche de leur robe, et avec une plaque
d’argent doré sur leur manteau (1).
A Tournai, dans la solennité établie en 1092, aussi à
l’occasion de la cessation d’une maladie contagieuse, et qui
se célébrait le 14 septembre, jour de l'Éxaltation de la
Sainte-Croix, il y avait trois processions : l’une sortait de
(1) A. JuLEN. Histoire et culte de Notre-Dame du Saint-Cordon; Valen-
ciennes 18k6, pp. 23 et 32.
—6—
la cathédrale à minuit, ayant à sa tête un seul prèlre
portant la croix et revêtu d’une aube et d’une étole,
et faisait le tour de toute la ville, suivie d’une foule
nombreuse de fidèles, nu-pieds et nu-tête, portant le
costume des condamnés à mort, la chemise; la seconde
procession, qui se mettail en marche à quatre heures du
matin, était formée principalement d’une nombreuse dépu-
tation de Gantoïs, tenant en main des présents, des ban-
nières et des cierges allumés, en l’honneur des magnifiques
châsses de Notre-Dame de Tournai, de saint Éleuthère et
des Damoiseaux, qui, avec la statue de Notre-Dame des
Malades, étaient portées par des habitants de la ville
revêtus de riches costumes imités des temps anciens; à la
troisième procession, qui commençait à sept heures du
matin, assistait le clergé et se portait la relique de la
Vraie Croix dans son antique reliquaire du X® siècle (1).
L'une de ces processions de pénilence peut se voir encore
aujourd’hui en toute sa pieuse et sévère simplicité: c’est
celle qui est organisée tous les ans à Furnes, le dernier
dimanche de juillet, en réparation d’un sacrilège, par
une confrérie dont font partie la plupart des habitants de
la ville etoù sont représentés un grand nombre de faits
de l’Ancien et du Nouveau-Testament. Elle est formée de
quarante groupes qui rappellent, tous, la pénitence et qui
sont accompagnés de membres de la confrérie portant de
longues cagoules noires ou grises, à trois ouvertures, l’une
à la bouche et les deux autres aux yeux. Après la tête du
cortège, où se trouve l’élendard de la confrérie, s’avancent,
en sept groupes, les illustres pénitents de l’Ancien-Testa-
ment, Abraham, David, les Prophètes et saint Jean-
Baptiste ; les souffrances du Rédempteur depuis Bethléem
jusqu’au Jardin des Oliviers, sont figurées par les neuf
groupes suivants ; et du groupe dix-huitième au trente-
huitième, c’est la Passion, le Crucifiement et la Déposition
(4) Cousin. Histoire de Tournay; Douay, 1620. T. I, p. 130 et suiv.
a — —————
nt
de la Croix, qui sont représentés en des scènes touchantes,
que termine un lugubre cortège formé du Tombeau du
divin Crucifié porté sur un char autour duquel quatre
disciples psalmodient le Miserere et qui est suivi de la Sainte
Vierge, de saint Jean, des saintes Femmes et des apôtres
en vêtements noirs. Le trente-neuvième groupe offre un
char sur lequel est figurée l’Ascension et, par conséquent,
la gloire el le bonheur après la souffrance , et le quarantième
un grand nombre de membres de la confrérie revètus de la
cagoule et portant d'énormes croix sous le poids desquelles
plusieurs semblent près de succomber. Sans doute, l’histoire
et l’art sont représentés très naïvement et avec des ana-
chronismes dans cette procession formée de presque tous les
habitants d’une petite ville; mais cette naïveté est tou-
chante. Il faut avoir assisté au défilé de ce cortège s’avan-
çant lentement, tristement, au milieu d’une foule, parfois
émue jusqu'aux larmes , il faut avoir entendu les prières et
les chants psalmodiés durant la marche ou les récits décla-
més par des personnages faisant partie des groupes, pour
se faire une idée de l’effet que les grandes processions de
pénitence du XII° et du XII siècle devaient produire sur
les pieuses populations qui les contemplaient.
Mais en même temps qu’elles étaient pieuses, ces popu-
lations flamandes du moyen-âge étaient simples et naïves et
se plaisaient aux joyeusetés. C’est celte disposition d’esprit
qui donna naissance aux fêtes semi-religieuses et semi-
profanes des Innocents et des Fous. Encore aujourd'hui, dans
diverses provinces des Pays-Bas, le Brabant, le Limbourg et
la Flandre, le 28 décembre, jour de la fête des SS. Innocents,
en des réunions de famille, on affuble d’un costume extra-
ordinaire un jeune garçon ou une jeune fille et, sous le
nom de papa ou de maman, on lui délègue l’autorité dans
la maison pour toute la journée (1). Il en est de même,
encore actuellement, dans un certain nombre de couvents,
(1) De Renssera-DürinesreLo. Fêtes civiles et religieuses des Belges anciens
et modernes; t. II (28 décembre).
er
où, en ce Jour, les jeunes religieuses et les sœurs converses
sont servies par leurs supérieures à qui elles donnent des
ordres. C’est une récréalion honnête, animée d’une douce
gaité. [1 en était de même, au moyen-âge, dans les églises
et Surtout dans les collégiales et les cathédrales. Nous en
avons trouvé des preuves dans les archives de la cathédrale
de Cambrai, de la collégiale Saint-Amé de Douai et de la
collégiale Saint-Pierre de Lille (1). On affublait un enfant
de chœur ou un jeune prêtre de vêtements pontificaux,
d’une mitre et d’une crosse, et, suivi d’un cortèce, il allait
par la ville, distribuant des bénédictions et jetant ces
plombs des Innocents, qui sont aujourd’hui si recherchés par
les numismates. L’historien Cousin rappelle dans son
Histoire de Tournai qu’en 1498, les prévôts et jurés de
la ville déclarèrent que « de toute anciennelé, le jour des
» Innocens, les vicariots (petits vicaires) el jeunes bénéfi-
» ciés chapellains de l’église Notre-Dame ont accoustumé
» d’eslire un Evesque des Fols, sur un eschafaut devant le
» grand portail de la dicte église, en faisant laquelle élec-
» tion est parlé Joyeusement de l’estat des chanoines et
» autres gens d'église. Et avec ledit Evesque ainsi esleu,
» s’accompagnent plusieurs des jeunes fils de bourgeois et
» manans de la dicte ville, font plusieurs joyeusetés sans
» aucun scandal, pour resjouir le peuple à leurs despens
» l’espace de dix ou douze jours, puis font un beau disner,
» auquel plusieurs des chanoines comparent ; et y envoie
» le chapitre pour présent pain et vin. N’y a aucune inso-
» lence faicte. (2) »
Sans doute, pendant longtemps, ces fêtes ne donnèrent
pas lieu à de graves désordres ; tout se passait sans scan-
dale, comme le disent les prévôts et les jurés de Tournai.
Mais des abus pouvaient et devaient se glisser dans la célé-
bration de ces cérémonies tout à la fois naïves et burlesques.
(1) Documents concernant l'histoire de l'art dans la Flandre, l'Artois et
le Hainaut, par CG. DEHAISNES, t. Il, p. 625 et 715, etc., etc.
(2) Cousin. Histoire de Tournay, 1620, t. IT, p. 261.
0.2
Aussi le clergé, qui les avait tolérées, prononça leur inter-
diction, ce qui ne put être obtenu que difficilement et malgré
une vive opposition des populations qui prenaient plaisir à
ces réjouissances devenues bouffonnes et satiriques (1).
Les seigneurs etles princes aimaient aussi les joyeusetés.
Nous ferons connaitre ce qui leur plaisait sous ce rap-
port, en décrivant la galerie du château d’'Hesdin, dans
laquelle les comtes d’Artois et les düûcs de Bourgogne, leurs
successeurs, donnaient souvent des fêtes à la noblesse et
aux bourgeois de leurs villes et domaines. Cette galerie
était richement décorée de peintures murales historiées et
de sujets sculptés, statues, lions et fontaines, resplendis-
sant de l’éclat de l’or, de l'argent et de brillantes couleurs.
D’ingénieuses machines et des conduits souterrains y pro-
duisaient des surprises et des mésaventures à ceux que l’on
y introduisait. |
En entrant, ils passaient entre deux engins très rappro-
chés, dont l’un les noircissail et l’autre les blanchissait, s'ils
y touchaient. Dans la galerie même, il y avait un ermite en
bois qui répondait aux questions qu’on lui adressait et un
autre qui faisait luire des éclairs et tomber la foudre, la
pluie et la neige, « comme si on le veoit au ciel ». Aïlleurs,
c’était un pont sur lequel il était presque impossible de
passer sans choir dans l’eau. Plus loin, à chaque pas que
les visiteurs faisaient sur les dalles de la galerie, ils voyaient
Jaillir des sources d’eau qui les mouillaient, et lorsqu'ils
montaient en un endroit plus élevé pour échapper à cette
inondation, ils étaient enveloppés dans des sacs qui les
couvralent de plumes et d’une sorte de poussière noire. On
présentait un miroir à ceux qui avaient été noircis, et à
l'instant même ils étaient saupoudrés d’une farine blanche.
Ïl y avait, dans la salle, un arbre peint au naturel, avec
une multitude d’oiseaux peints aussi, qui, à un moment
donné, lançaient de leur bec de véritables jets d’eau ; vers
(1) DE REINSBERG-DÜRINGSFELD. Op. et loc. cit.
—40 =
l'extrémité, s’élevait une statue en bois qui sonnait de la
trompette et mandait, de par monseigneur, de quitter
immédiatement la galerie, et ceux qui ne partaient point
en toute hâte étaient menacés par des fous ou des folles en
bois et étaient précipités dans l’eau en passant sur un pont.
Ces surprises n'étaient point, comme on vient de le voir,
très spirituelles ; mais les peintures, les sculptures, les
statues et les divers engins avaient été exécutés et étaient
soigneusement entretenus par des maîtres de valeur, au
nombre desquels nous pouvons citer Melchior Broederlam,
le célèbre peintre d’Ypres, et l’habile Colard Le Voleur,
ainsi que les de Boulogne. famille d’artistes qui, durant
cinq ou six générations, a été chargée de ces peintures et
de ces machines. [art entrait donc, pour une part impor-
tante, dans la décoration de la galerie des fêtes où se
trouvait ce qu’on appelait les Merveilles du château
d’Hesdin. (1)
IL.
QUATORZIÈME ET QUINZIÈME SIÈCLES. — FÈTES ET TOURNOIS DONNES
PAR LES BOURGEOIS, LES SEIGNEURS ET LES PRINCES.
Personne n’ignore que les plus brillants spectacles du
XIV et du XV° siècles ont été les tournois et les passes
d'armes, fètes chevaleresques et guerrières qui étaient
l’occasion d’un grand déploiement de luxe et dans lesquelles
l’art et les souvenirs légendaires ou historiques étaient sou-
vent rappelés. Mais ce que l’histoire a négligé d'enregistrer,
c’est que, au moins dans les Pays-Bas, les riches bourgeois,
qui portaient le titre de snéliles burgenses et qui devenaient
chevaliers bannerets sans perdre leur titre de bourgeois,
(4) DEHAISxES. Histoire de l'art dans la Flandre, l'Artois et le Hainaut
avant le XVe siècle. Lille 1886, p. 429.
UT
organisaient, comme les seigneurs, des fêtes historiques
et des tournois.
En juillet 1334, le bourgeois Jean Bernier, prévôt de
Valenciennes, engagea le peuple de cette ville, à établir
des jeux ou représentations, dans lesquelles figureraient les
compagnies de chacune des rues, en promettant de donner
un paon à ceux qui obtiendraient le prix. « Ceux de la :
rue del Sauch, » rapporte d’Oultreman dans son Æisioire de
Valenciennes, l’emportèrent. Ils vinrent « quelque vingt-
deux hommes, représentant les Preux chevaliers du roy
Alixandre le grand, avec autant de damoiselles, tous revestus
d’escarlatte fourrée d’hermines. Et chaque bande et ruage,
outre l’équippage d’habits, chiffres, devises et livrées,
trainoit un chariot de triomphe ou quelque autre machine
de celles que les anciens appellent automates, qui rouloient
par des secrets ressorts et enfantoient des choses mysté-
rieuses et pleines d’esprit (1) ». Aïnsi, voilà, dès 1334,
dans chaque rue de Valenciennes, un cortège avec des chars
et des machines à ressorts invisibles, avec des groupes de
personnages, dont l’un représente Alexandre et ses Preux,
souvenir de l’un des grands cycles poétiques du moyen-âge.
Le même bourgeois Jean Bernier était allé en 1332 « à
Ja feste de la Table ronde à Paris avec très grande et très
belle suite », et en juin 1331 1l avait lutté au grand tournoi
des Trente et un Rois, ouvert à Tournai (2).
Trente et un bourgeois de cette dernière ville, grands
amis des fêtes, avaient formé une association dans laquelle,
s'inspirant des romans du moyen-âge, chacun d’eux prenait
le nom d’un roi de ces romans; leur chef s'appelait
Gallehot, le roi des rois, nom d’un illustre chevalier qui
avait vaincu trente rois.
Pour le tournoi de 1331, le champ de joûte avait été établi
(4) HENRI D'OULTREMAN. Histoire de la ville et comté de Valentiennes;
Douay, Marc Wyon, 1639, p. 3%,
(2) Id. 1.
— 142 —
sur la place de la ville: et tout autour s’élevaient des
gradins pour la foule, avec des galeries pour les dames,
dont les plus nobles, les plus belles et les plus richement
parées furent, à leur entrée, acclamées par les tenants du
tournoi et par tout le peuple. Les Trente et un Rois rom-
pirent d’abord des lances en l'honneur des dames. Puis,
firent successivement leur entrée solennelle cent seize
Joûteurs bourgeois, à cheval et richement costumés : ceux
de Valenciennes, au nombre de onze avec quatre bannières
et quatre manants:; ceux de Paris, au nombre de dix avec
quatre bannières; ceux de Senlis, au nombre de trois:
ceux de Reims, au nombre de huit avec trois bannières ;
ceux de Saint-Quentin, au nombre de neuf avec deux
bannières ; ceux d'Amiens et ceux de Saint-Omer avec
chacun sept bannières ; ceux de Compiègne, au nombre de
sept avec trois bannières ; ceux d'Arras, précédés des armes
de la ville ; ceux de Bruges, avec le Forestier de Flandre ;
ceux d’Ypres au nombre de six avec cinq bannières ; ceux
de Lille, au nombre de dix-huit avec onze bannières et le
roi de l’Épinette ; ceux de Doullens, d’Ardembourg et de
Lécluse, chacun un joûteur. Il y eut, en outre, quatre-vingts
gentilshommes venus des divers points des provinces et de
la région. À son arrivée, chacune des troupes de joûteurs
fut saluée par lies acclamations de la foule. Les passes
d’armes et les luttes furent nombreuses. Les joûtes les plus
applaudies furent: celle du bourgeois Jean Bernier de
Valenciennes, avec Gallehot, le roi des rois, dont on admira
la grâce et la force et qui fut en très grand péril; celle de
Hue Le Largie, de Reims, et de Jean Wettin, roi de Cor-
nouailles, qui deux fois se désarçonnèrent l'un l’autre en
mème temps; celle de Jean Lescrivent, de (Compiègne, et
du roi Jacques Mouton, dont les chevaux furent tués ; celle
de François Belle, d’Ypres, qui renversa son adversaire sur
l’arène et le releva avec beaucoup de courtoisie. La plus
remarquable de ces joùtes fut celle de Jacques Bourgeois,
qui, arrivé la nuit précédente, à minuit, de Saint-Jacques
— 13 —
en Galice, se présenta dans l’arène durant la journée pour
lutter contre Jean de Sottenghien, l’un des rois et tenants
du tournoi: leur combat dura une demi-heure; ils rompi-
rent chacun douze lances sans être désarçonnés et ils firent
des passes si merveilleuses, que les spectateurs ne cessaient
de les applaudir. Tous deux eurent le prix ; Jacques Bour-
geols, celui du dehors, un superbe cheval, et Jacques de
Sotitenghien, celui du dedans, un vautour (1).
Les fêtes et les joûtes dal’Épinette qui avaient lieu chaque
année à Lille étaient aussi somptueuses que celles des
Trente et un Rois de Tournai et elles permettent mieux
encore de prouver que les tournois, ouverts par la bour-
geoisie des grandes villes des Pays-Bas, n'étaient point
inférieurs à ceux de la noblesse. |
Mais il y avait des solennités qui étaient bien plus riches
et bien plus brillantes, c’étaient celles que célébraïient les
ducs de Bourgogne, ces grands vassaux dont la puissance
et la richesse tenaient en échec les rois de France et d’An-
gleterre et les empereurs d'Allemagne. L’une des plus
magnifiques fut celle du Repas du F'aisan, donné à Lille,
le 17 février 1454 par le duc Philippe-le-Bon, dans son
palais de la Salle. Après un tournoi dans lequel Charles,
comte de Charolais et fils du duc, remporta le prix qui
était un cygne d’or attaché à une chaîne de même métal
se terminant par un rubis, le duc, portant sur son costume
noir et gris des joyaux et des pierreries que les chroni-
queurs de l’époque évaluent au prix de plus d’un million
d'écus d’or, entra dans la salle du festin, suivi de princes,
de chevaliers, de seigneurs, de hauts dignitaires et de nobles
dames, richement vêtus et parés. La salle était décorée de
peintures et de vitraux, exécutés pour la circonstance, et
de tapisseries flamandes: trois tables y étaient dressées,
resplendissant de l’éclat de l'or, de l'argent, du cristal et
des pierres précieuses de la vaisselle. Ce qui faisait prin-
(4) PourTRaix. Histoire de Tournai, T. 1, p. 222.
di
cipalement l’ornementation de ces tables c’étaient leurs
merveilleux et gigantesques surtouts, peints avec la plus
grande richesse et formés à l’aide de mécanismes ingénieux :
« une église croisée, verrée et faicte de gente façon où il
» y avoit une cloche sonnante et quatre chantres; une
» caraque ancrée, garnie de toute marchandise et de per-
» sonnages de mariniers; un chasteau à la façon de Lusi-
» gnan, et sur ce chasteau au plus haut de la maistresse
» tour estoit Mélusine en forme ge serpente; un lac envi-
» ronné de plusieurs viles et chasteaux, auquel lac avoit
» une nef à voile levée, toujours vagant par l'eaue du lac,
» par soy; et la seconde table, qui estoit la plus longue,
» avoit un pasté, dedans lequel avoit vingt-huit person-
» nages vifs, jouant de divers instrumens, chascun quand
» leur tour venoit{l) ». A diverses reprises pendant le
repas, les personnages figurant dans ces surtouts et
d’autres qu’il serait trop long de mentionner, s’agitèrent,
Jouèrent de leurs instruments et représentèrent diverses
scènes. Les plats {et 1ls étaient nombreux puisque dans un
seul service il y eut quarante-huit mets) étaient amenés sur
vingt chariots à roues et à tourelles peints en or et azur.
Après le repas. un rideau s’ouvrit et laissa voir un
théâtre, sur lequel divers personnages, porlant des cos-
tumes grecs et orientaux, représentèrent l’histoire de Jason
et de la conquête de la Toison d’or, où l’on vît apparaître
des dragons et des taureaux jetant des flammes. Ensuite,
un géant, dépassant d’un pied les hommes de haute stature,
vêtu d’une longue robe de soie verte, s’avança dans la salle
conduisant un éléphant, sur lequel était montée une femme
portant une robe en satin blanc et un manteau noir, qui
représentait la Religion. Celle-ci rappela, dans une longue
complainte, les souffrances des chrétientés de la Terre-
Sainte et de l'Orient. Et c’est alors que Philippe-le-Bon,
faisant connaître le motif du banquet, jura, sur un faisan
(4) Mémoires de Messire Olivier de la Marche ; Lyon, 1562, p. 277 et 278.
— 45 —
portant un collier d’or et de pierreries, qu’il prendrait la
Croix pour marcher contre les infidèles, et tous les che-
valiers firent le même serment (1). La chronique d'Olivier
de la Marche offre, au sujet de ce banquet, vingt pages
in-folio, remplies des descriptions les plus curieuses. Mais
c'est dans les comptes de la Recette générale du duc de
Bourgogne, conservés aux archives départementales de
Lille, qu’il est possible d'apprécier la part importante que
l’art a eue dans cette solennité. Quarante-deux peintres,
parmi lesquels plusieurs, tels que Jacques Daret, Henne-
quin de Bordeaux, Simon Marmion et Claux de Hollande
étaient des hommes de talent, avaient été mandés de
Bruges, d’Audenarde, de Tournai, d'Arras et d'Amiens
pour peinire la salle, les surtouts des tables et les motifs *
de décoration. Divers sculpteurs et verriers apportèrent
aussi leur concours à ces fêtes (2).
Dans le même ordre d'idées nous pourrions rappeler les
fèles plus splendides encore, célébrées à Bruges en juillet
1468, à l’occasion du mariage du duc de Bourgogne,
Charles-le-Téméraire, avec Marguerite d’York, sœur du
roi d'Angleterre. Plus de cent peintres, parmi lesquels
Hugo Van der Goes, y furent mandés des diverses pro-
vinces des Pays-Bas, ce qui montre assez le caractère artis-
tique de cette cérémonie.
Nous nous contenterons de rapporter un épisode, qui
peut donner une idée de l'intérêt que présentaient les
tournois qui y furent ouvérts durant plusieurs jours.
Le grand bâtard de Bourgogne fut le tenant de l’une des
joûtes : il avait emprunté, à un roman de chevalerie, le rôle
et le nom de chevalier de l’Arbre d’or. Dès le matin, son
poursuivant d'armes, en livrée de l’Arbre d’or, avait remis
au ducunelettre de la part de la princesse de l’Ile Inconnue,
dans laquelle elle promettait ses bonnes grâces au chevalier
(1) Aemoires de Messire Olivier de la Marche ; Lyon, 1562, p. 277 et 278.
(2) Archives départementales du Nord. Chambre des Comptes. B. 2017.
— 16 —
qui pourrait délivrer le géant enchaîné sous la garde d’un
nain. Et l’on voyait en effet, en face de la tribune des
dames, un arbre doré au pied duquel était debout un géant
portant une robe d’or, qui était entouré d’une chaîne tenue
par un nain, vêtu mi-partie de blanc et mi-partie de
cramoisi. Bientôt, on frappa à la porte de la lice: c'était
Ravenstein, héraut de M. de Ravenstein. « Noble officier
d'armes, que demandez-vous, dit Arbre d'orle poursuivant ?»
— [Le héraut Ravenstein répondit: « À cette porte est
arrivé haut et puissant seigneur, messire Adolphe de
Clèves, seigneur de Ravenstein, pour accomplir l’aventure
de l’Arbre d’or: je vous présente le blason de ses armes et
vous prie qu'ouverture lui soit faite et qu'il soit reçu. »
Le poursuivant Arbre d’or s’agenouilla, prit respectueu-
sement l'écusson du chevalier, alla le montrer aux juges el
puis le suspendit à l'arbre. Le nain et son géant alièrent
eux-mêmes ouvrir la porte. M. de Ravenstein fit la plus
brillante entrée ; ses trompettes, ses clairons, ses tambours,
ouvralent la marche, puis venaient ses ofliciers d'armes et
un chevalier de son conseil, tous vêtus à ses couleurs en
velours bleu et argent. Pour lui, il était dans une litière
cramoisi et or; 11 portait une robe de velours, couleur de
cuir, fourrée d’'hermines, à collet renversé et à manches
ouvertes, avec une barrette noire sur la tète. Un valet de
pied conduisait en main son grand destrier; ses armes
étaient chargées sur un cheval de somme. Lorsqu'il fut
arrivé devant la duchesse, il mit un genou en terre, en
se découvrant devant elle, et lui demanda son agrément
pour combattre. Cette autorisation lui ayant été gracieu-
sement octroyée, il alla à une extrémité de la lice se revètir
de son armure et prendre ses armes, tandis que le chevalier
de l’Arbre d'or se préparait au combat à l'extrémité opposée.
Lorsque tous deux furent prêts, le nain renversant un sablier
dont la chüte devait durer une demi-heure, donna le siynal
du départ en sonnant du cor. Les deux combattants s’élan-
cèrent l'un vers l’autre, de toute la vitesse de leurs
| — 17 —
chevaux, et se portèrent les coups les plus terribles. Les
lances volèrent bientôt en éclats, et les deux chevaliers,
en prenant de nouvelles, renouvelèrent la lutte avec une
ardeur de plus en plus furieuse. Lorsque le dernier
grain de sable fut tombé, le cor sonna de nouveau et le
combat fut arrêté. C’était le chevalier de l’Arbre d’or,
le grand bâtard de Bourgogne, qui lemportait; il avait
rompu le plus de lances. [1 fut proclamé vainqueur et la
duchesse lui passa au doigt l’anneau d’or (1). »
III
QUINZIEME SIÈCLE. — LA PROCESSION DE LOUVAIN.
Le luxe qui avait augmenté au XV® siècle dans les
tournois et les fêtes donnés par les ducs et par les grandes
villes, avait changé le caractère des processions, qui
anciennement étaient, comme nous l’avons rappelé plus
haut, de pieuses cérémonies de pénitence ou d’actions de
grâces. Elles étaient, à la fin du XV® siècle, formées
d'un grand nombre de groupes et de sujets, les uns
religieux, les autres historiques, représentés avec une
grande richesse; et des scènes profanes et parfois même
bouffonnes s’y mélaient assez souvent. Entre un grand
nombre de cortèges de ce genre que nous pourrions décrire,
nous ferons connaître la grande procession célébrée à
Louvain en 1490, durant la kermesse de cette ville, en
mémoire d’une victoire remportée sur les Normands en
895. Les groupes étaient au nombre de 79. En tête, un
char de triomphe portant la Pucelle de Louvain, entourée
de dix jeunes filles représentant les dix anciens corps de
métiers de la ville, et suivie d’une cavalcade. Venaient
ensuite les vingt-sept corps de métiers existant au XV®
(1) De BaranTe. Histoire des ducs de Bourgogne, t. VI, p. T1.
— 18 —
siècle, chacun avec son enseigne et ses chefs, qui ensemble
formaient le second groupe. Le troisième montrait saint
Michel triomphant du diable et le quatrième Adam et
Éve chassés du Paradis terrestre. Les 34 groupes suivants,
dont les corps de métiers fournissaient les personnages et
les costumes, étaient formés de 34 femmes mentionnées
dans l’Ancien Testament, Sara avec Abraham et Isaac,
Rebecca sur un chameau, entourée de son cortège, Marie
sœur de Moïse jouant du tambourin, Noémi et Ruth,
Bethsabée, Judith, Esther et diverses autres fisurant comme
symboles de la Sainte Vierge. Celle-ci apparaissait ensuite
assise sur un char de triomphe, qui portait l'arbre de
Jessé et était suivi de deux autres chars représentant, lun
l’'Annonciation et l'autre l'Enfant Jésus dans l’étable de
Bethléem. Après ce char on voyait les trois rois mages, sept
pages montés sur des chameaux, et quatre autres chars
figurant l’Ascension, la Pentecôte, l'Assomption et les
neuf chœurs des anges. Dix groupes de prètres de divers
couvents, abbayes, chapelles et paroisses s’avançaient
ensuite. Ils précédaient le Suint-Sacrement qui était entouré
du clergé de la paroisse Saint-Pierre. L'image miraculeuse
de la Vierge, à laquelle on attribuait la victoire remportée
sur les Normands, apparaissait alors portée par seize jeunes
gens, au milieu d'un groupe de personnes tenant des cierges
ou jouant des instruments de musique. Ce groupe était
suivi de l’Üniversité de Louvain, avec son recteur ma-
gnitique, ses quatre facultés, ses quatre pédagogies et tout
son personnel en grand costume. C'est après ce groupe, que
commençait le cortège purement historique: on y voyait
le cheval Bayart monté par les quatre fils Aymon, Charle-
magne qui rappelait un cycle des romans, le grand géant
Hercule, sur un cheval, que la foule accueillait avec des
acclamations, la belle Mégére, épouse du géant, montée
aussi sur un cheval, portant un faucon sur le poing gauche,
et accompagnée d’un singe d’une merveilleuse agilité, les
enfants du géaut et de la géante encore au berceau, dans une
— 19 —
roulette en osier ou dans les bras d’une nourrice, scènes
bouffonnes qui faisaient la joie du peuple et surtout des
mères et des enfants. Le 69° groupe, qui venait ensuite,
était formé d’un énorme éléphant monté par trois femmes
représentant les trois parties du monde. Marchaient après,
les quatre serments des milices communales de la ville,
ayant au milieu d'elles le géant saint Christophe et pré-
cédant le comte de Louvain, à cheval comme les guerriers
de sa suite, et la comtesse sur un char de triomphe entourée
des représentants des sept familles patriciennes de la cité
et des Peetermanns ou marguilliers de l’église Saint-Pierre.
Ce char était suivi de tout le personnel du magistrat de
Louvain en costume de cérémonie. Et comme soixante-
dix-neuvième et dernier groupe, on voyait un grand dragon,
avec sainte Marguerite et saint Georges, ses vainqueurs.
Uue foule immense assistait à cette procession de Louvain
et à son Omeyang où marche, et se laissait aller, en la
contemplant, aux émotions de la piété, de la joie et de
l'admiration. Et tous répétaient gaiement le refrain de la
vieille chanson de la kermesse de Louvain : « Soyez les bien
venus, tous également, seigneurs et valets, pauvres et
riches. » Il est facile de concevoir les dépenses qu’exigeait
l'organisation de cette procession et de cette marche histo-
rique, dont l’énumération qui précède n’a pu donner
qu'une faible idée : les tèles du géant et de la géante
étaient considérées comme de véritables chefs-d’œuvre de
peinture (1). Et à ce sujet, nous rappellerons qu’il y avait
des géants promenés dans les processions ou les fêtes
publiques à Douai, à Lille, à Bailleul, à Hazebrouck, à
Cassel, à Dunkerque, à Ypres, à Courtrai, à Ath, à
Bruxelles, à Anvers, à Hasselt et dans diverses autres villes
des Pays-Bas, souvenirs historiques ou légendaires, qui
étaient l’occasion de réjouissances populaires (2).
(1) Piotr. Histoire de Louvain, 1839, p. 15 à 22.
(2) Le baron De REINSBERG-DÜRINGSFELD. Fêtes religieuses et civiles, p. 122
et suiv.
IV.
SEIZIÈME SIÈCLE. — ENTRÉE DE CHARLES-QUINT À DOUAI.
Le seizième siècle, qui est l’époque où le pouvoir monar-
chique parvint à établir sa puissance sur les ruines de la
grande féodalité et des libertés communales, est surtout
remarquable, en ce qui concerne les fêtes, par les entrées
des souverains. Voici la description sommaire de ce qui eut
lieu à Douai, lorsque, le 15 mai 1516, Charles-Quint fit, en
qualité de roi d’Espagne et de souverain des Pays-Bas, son
entrée solennelle dans cette ville. On y trouvera, plus
encore qu’à Louvain, la preuve de la puissance des confré-
ries et des corporalions.
La fête présenta un caractère tout particulier. Le roi, sa
tante Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas,
et toute la suite de seigneurs, de grands-officiers et de dames
qui les accompagnaient, étaient en costume de grand deuil,
à cause de la mort de Ferdinand, roi d'Aragon, qui avait
eu lieu deux à trois mois auparavant. Le baïlli, les échevins
et tous leurs officiers, ainsi que les notables de la ville,
avaient pris aussi des vêtements de deuil; mais les milices
communales, le clergé des paroisses, les chanoines et les
religieux avaient revêtu leurs costumes les plus riches.
L'entrée eut lieu à six heures et demie du soir. Soixante-
douze hommes portant chacun une grande torche allumée
attendaient le roi, en avant de la porte Notre-Dame, et
l’escortèrent durant tout le parcours du cortège.
La porte était ornée de tentures aux couleurs du roi et
d’un grand écusson à ses armes, où se lisait l'inscription :
Venial dilectus meus in horlum suum; elle était éclairée
par une escoperche, haute tige de bois à branches portant
des flambeaux. À quelques pas au delà de la porte, entre
Phôpital des Chartriers et l’église Notre-Dame, était repré-
sentée la première des onze Âisloires préparées pour Ja
A —
circonstance. Près d’un somptueux arc de triomphe, sous
lequel le cortège devait passer, avait été établi un vaste
échafaudage divisé en deux parties, qui était éclairé par un
grand nombre de torches. Dans la première partie, des per-
sonnages figuraient Josué envoyant deux explorateurs à
Jéricho, puis s'emparant de cette ville dont les murs s’écrou-
laient au bruit des trompettes des Hébreux, et dans la seconde
partie l’empereur Maximilien, aïeul du Roi, envoyant deux
ambassadeurs à Venise et réduisant cette ville à lui payer
un tribut « ce que jamais, dit le récit de l'entrée de
Charles-Quint à Douai, n’avoit esté à aultre personne ».
Cette scène en partie double était représentée par 92
membres de la corporation des Merciers et des Taiïlleurs.
La seconde Aistoire était l’œuvre de 88 membres des
corporations des Bouchers et des Marchands de poissons de
mer. Elle représentait, sur un échafaudage de 90 pieds
de longueur, d’un côté Josué s’emparant de la ville de
Hay et de l’autre Ferdinand le catholique reconquérant
Grenade sur les Maures. Les neuf autres histoires étaient
aussi l’œuvre des corporations de la ville et figuraient
toutes d’un côté un fait de l’histoire sainte et de l’autre
côté un fait correspondant emprunté à l’histoire contem-
poraine de l’Autriche et de l’Espagne, en l’honneur de la
famille du jeune roi. Pour composer ces onze tableaux
vivants, 1l avait fallu environ mille personnages qui
étaient, dit une chronique du temps, « si accoustrés et
» parés que c’estoit un plaisir les voir ; mesme pour servir
» a ycelles histoire, y eubt cités bien et somptueuse-
» ment faictes et peintes en figuration, et les bannières y
» pendantes et toutes les pavesches (pavois, écus) y ser-
» vants, et toutes lesdictes choses estoient richement
» peintes des armes des rois, princes et seigneurs, régnant
» aux dictes histoires ». On peut se faire une idée des
travaux que nécessita l’ensemble de cette ornementation et
du soin qu’on y apporta, quand on voit, dans les comptes
de la ville, que les principaux charpentiers, hugiers, sculp-
— 2) —
teurs et peintres de Douai avaient commencé à les exécuter
suivant les plans qu’on leur avait fournis dès le mois
d'octobre 1515 et qu’ils y furent occupés jusqu'au 16 mai
1516 (1).
Et ce n’était là qu’une partie des décorations. « Toutes les
maisons et les rues, comme le dit encore la chronique, par
lesquelles le roy passat estoient toutes parées et accoustrées
tant de drap que de verdures, mesines les cauchies (pavés)
des rues estoyent couvertes de verdures fleurantes et odori-
férantes ». Il y avait en outre çà et là, des motifs parti-
culiers de décoration. « La vieille porte du marché estoyt
toute jendue de drap geaune, blancq et rouge quiestoyent
les livrées du roy et au mnilieu y avoit un grand et somp-
tueux tableau ou estoyent peintes les armes dudit roy très
richement et aux deux costés y avoit escript deux auctorités
de la sainte Escripture a l’honneur dudit Roy nostre sire ».
« En la rue du Pont-à-Mont, estoit au milieu une belle,
grande et excellente porte, par quile roy passat; et au haut
de ladicte porte, on y avoit fait somptueusement un petit
galata où étaient sept jeunes filles belles, asçavoir l’une
nommée Pouay qui estoit au milieu, et les six autres à
dextre Diligence, Foi el Union et à senestre Obéissance,
Justice et Æspérance, lesquelles six protégeoient Douay
contre ses ennemis ; elles estoient dénommées pucelles,
humbles servantes obéissantes audit roy : et fust ce récit
pris de bonne part très agréablement dudit roy ».
« Contre la rue des Femmes Gisantes, il y avoit soixante
grandes torses ardentes des mestiers de la ville, mises à
doubles rangs et par ordre, et estoient icelles bien plaisantes
à voir. Et en la Basse rue, encore soixante torses des
mestiers ».
Nous ometlons beaucoup de détails très intéressants,
pour rappeler en terminant que la dépense totale faite à
(4) Archives communales de Douai, série CC, n° 2:38, fol. 90, 91, 93, 9%, %,
108, 110, 112, 114; les travaux y sont rappelés avec de curieux détails et les
nous de tous les artistes et ouvriers.
—23—
cette occasion par la ville, en y comprenant la coupe d’or
donnée au roi, mais sans y faire entrer les dépenses des
corporations et des habitants de chaque rue, fut de 1,550
livres, 3 sols et 4 deniers, ce qui reviendrait aujourd’hui à
plus de 15,000 francs. Plusieurs trouvèrent que ce chiffre
était bien élevé; mais, dit la chronique, « les eschevins
déclairèrent que le tout s’estoit fait pour la réjouissance du
Roy (1) ».
V.
SEIZIEMK SIECLE. — CONCOURS ENTRE LES CHAMBRES DE RHÉTORIQUE
DU BRABANT A ANVERS. — REPRÉSENTATION D'UN MYSTÈRE
A VALENCIENNES.
Mais en même temps que le pouvoir monarchique s’éta-
blissait plus puissant dans les Pays-Bas avec Charles-
Quint et Philippe IL, des centres d'opposition se formaient
çà et là, surtout dans les associations littéraires connues
sous le noin de Chambres de rhétorique. Ces sociétés, dési-
gnées anciennement, dans la partie française des Pays-
Bas, sous le nom de confréries du Puy-Notre-Dame, se
composaient des membres les plus riches et les plus lettrés
du clergé, de la bourgeoisie et de la noblesse, qui se réunis-
saient pour s'occuper de poésie et ouvrir des concours.
Toutes étaient, à l’origine, consacrées à honorer la religion
et les lettres; mais au XVI® siècle et surtout à partir
du règne de Philippe IT, plusieurs d’entre elles firent une
sourde opposition sous le rapport politique et parfois
aussi sous le rapport religieux.
Nous donnerons une idée de leur puissance et de leur
richesse en parlant du concours ouvert à Anvers en 1561,
(4) Archives de la ville de Douai, id. ib. — TAiLLIAR, Chronique de Douai
t. 11, p. 94 et suiv.
XL —
qui porta le nom de Zandjurveel, joyau du pays, parce que
le grand prix était un magnifique objet d’orfévrerie
qu'octroyait au vainqueur la ville où avait lieu le concours.
Il y avait, à Anvers, une Chambre de rhétorique, section
de la célèbre corporation de Saint-Luc, qui, comme toutes
les autres sociétés poétiques du Brabant, avait pris le nom
d’une fleur ; elle s'appelait la Giroflée. Elle comptait parmi
ses membres le poète Guillaume Van Haecht, alors
échevin de la ville, les peintres Frans Floris et Martin De
Vos et le sculpteur Corneille Floris. Comme elle avait, à
plusieurs reprises, remporté le prix en d’autres villes, elle
voulut, à son tour, convier toutes les associations du Bra-
bant à un concours ouvert par elle. Les thèmes proposés
étaient : pour la représentation dramatique, CE QUI INCITE
LE PLUS LES HOMMES A LA CULTURE DES ARTS; pour le point
poétique, c’est-à-dire la peinture ou la représentation à
l’aide de personnages formant tableau, l’ÉLOGE DE LA PAIx ;
pour une poésie morâle servant de prologue, les SERVICES
RENDUS PAR LES NÉGOCIANTS QUI OBSERVENT LES LOIS DE
L'ÉQUITÉ ; pour l’entrée solennelle, COMMENT ON SE RÉUNIRA
PAR AMITIÉ ET COMMENT ON SE QUITTERA GRACIEUSEMENT. Des
prix consistant en coupes d’argent de valeur diverse
étaient alloués pour l’entrée la plus splendide et pour la
mieux figurée et la plus instructive, pour le plus beau
blason, pour la plus belle manière de figurer la fête, pour
le prologue, pour le point poétique, pour le fou le plus
amusant. Quatorze sociétés se rendirent à l’invitation de
la Giroflée : l’Olivier et la Fleur de Souci d'Anvers, qui
s'abstinrent de concourir, la Æleur d’allégresse de Berg-op-
Zoom, la Pivoine et la Fleur d’iris de Malines, l’Asbre
croissant de Lierre, la Courge de Herenthals, le Souci de
Vilvorde, la Æleur de lis et les Œ'üls du Christ de Diest, le
Muguet de Léau, la Rose de Louvain, la Ronce ardente de
Bois-le-Duc, la Guirlande de Marie de Bruxelles.
Toutes ces sociétés firent leur entrée solennelle le
dimanche 3 août 1561. Il a été possible d’apprécier la
— 2% —
splendeur des costumes, la richesse et la variété des groupes,
des chars, des emblèmes et des bannières qui figurèrent à
cette entrée, lorsque les 14, 16 et 21 août 1892, quatorze
sociétés anversoises ont représenté avec l'exactitude la
plus scrupuleuse, d’après des dessins de l’époque, le cortège
qui avait figuré 331 ans auparavant et ont ainsi fait
comprendre tout ce qu’il offrait d’intéressant sous Le rapport
de l’histoire et de lart.
Les Chambres de rhétorique faisaient souvent jouer des
farces et des soties, comédies dans lesquelles les vices et les
institulions de l’époque étaient parfois attaqués ; mais plus
fréquemment, elles représentaient des mystères religieux
qui attiraient une grande foule. Pour jouer un mystère,
une compagnie spéciale se formait ordinairement dans une
ville ou une région. Il en fut ainsi à Valenciennes en
1547, lors de la représentation du Mystère de la Vie et de la
Passion, la Mort et la Résurrection du Sauveur. Dix
membres de la riche bourgeoisie avec le lieutenant du
prévôt de la ville, le receveur de Bouchain et le baïlli de
Verchain, se chargèrent de la haute direction de la fête.
Ils s’adjoignirent trente-huit bourgeois, qui se déclarèrent,
avec eux, solidairement responsables au sujet de toutes les
dépenses qu’entrainerait la représentation et firent un
règlement détaillé que devaient strictement observer tous
ceux qui prendraient part à l’entreprise, en qualité de
directeurs ou d’acteurs. Ce fut une tâche grande et difficile.
Le théâtre pour lequel le gouverneur de la ville, Philippe
de Croy, duc d’Arschot, prèta ses jardins, devait contenir
cinq à six mille personnes. [a scène avait 50 mètres de
longueur sur 25 de largeur ; on y voyait un grand nombre
d'emplacements différents, le temple, des habitations
privées, la place publique, la campagne, la mer, le paradis,
l’enfer ; divers mécanismes ingénieux y avaient été ins-
tallés, qui permettaient de produire les effets qui sont
aujourd’hui opérés dans les féeries.
Le mystère, qui est en vers, a été composé par un clerc
— 2% —
du béguinage de Valenciennes, Robert Girard, qui s’adjoi-
gnit Christophe Huvelois, et le chroniqueur Louis Wicart
dit de la Fontaine ; il est divisé en 25 journées qui deman-
dèrent 25 représentations à des jours différents. Afin que
tout püt être facilement organisé d’avance, un habile
miniaturiste valenciennois, Hubert Caïlleau, représenta,
par des aquarelles peintes sur les espaces laissés en blanc
dans le manuscrit du poème, le théâtre, les divers empla-
cements où se passait l'action, les mécanismes et frucs
dont nous venons de parler, et un grand nombre de scènes
où les personnages sont figurés en action et portant les
costumes dont ils devaient être revêtus. Deux manuscrits,
ainsi enluminés de la main de Cailleau, sont encore auJour-
d’hui conservés, l’un à la Bibliothèque nationale de Paris
où il porte le n° 12,536 fonds français, et l’autre au château
de Sebourg; ils permettent de se rendre compte du soin
avec lequel avaient élé préparés les décors et les costumes.
Le nombre des acteurs remplissant des rôles importants
était de 168 ; il faut y ajouter plusieurs centaines de com-
parses. L’affluence des spectateurs fut telle, que le prix
étant de 8 deniers par personne, le chiffre de la recette
s’éleva à +.680 livres tournois, ce qui permet de supposer
140,422 entrées, soit environ 5,626 entrées chaëune des
25 journées {1}. C'était, on le voit, une représentation
non moins importante que celle d’Oberammergau qui
attire tant de personnes, de nos jours, dans un village de
l'Allemagne.
(1) La dépense totale avait été de 4,179 livres, soit en monnaie d'aujourd'hui
11,790 francs. La recette totale fut de 5,409 livres, en y comprenant la vente
du matériel qui s'éleva à 728 livres, soit 54,090 francs ; il y eut donc un
bénéfice de 12,300 francs, qui fut partagé entre tous ceux qui avaient souscrit les
obligations ct les actions, au prorata de leur mise. Nous avons emprunté l'en-
semble des détails que nous avons fait connaître à l'ouvrase qui a été publié
par M. Maurice Hénaut sous le titre: Représentation du mystère de la Passion;
Valenciennes. 1800.
VI.
DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. — ENTRÉE DE FERDINAND D’AUTRICHE À ANVERS.
— FÊTES A DOUAI, A L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE PROVINCIALE
DES DOMINICAINS.
Au X VITfsiècle, le pouvoir royal l’a partout emporté dans
la partie des Pays-Bas soumise à l'Espagne et le catholi-
cisme y a triomphé des protestants. Le peuple accueille
avec bonheur les entrées des souverains et les grandes
cérémonies religieuses. À Anvers, il y avait eu, dès 1594,
la splendide entrée d’'Ernest, archiduc d'Autriche, et en 1599
celle des archiducs Albert et Isahelle dont le règne devait
procurer au pays la paix et la prospérité (1). En 1635, lorsque
déjà l’on souffrait de la guerre de Trente ans, eut lieu l’eñftrée
de son Altesse le Cardinal-Infant, Ferdinand d'Autriche,
qui venait d’être nommé gouverneur des Pays-Bas. Jamais
entrée d’un souverain n’a été célébrée par une cérémonie
aussi grandiose, aussi artistique. Le magistrat d'Anvers
avait décilé, cinq à six mois avant le jour fixé pour la fête,
que les motifs de décoration concourraient à un double
but : d’abord, honorer par des arcs de triomphe la gloire du
nouveau gouverneur et celle de sa famille, et ensuite
exposer, dans certaines des scènes représentées sur les
théâtres, l’état d’appauvrissement et de décadence dans
lequel tombait la ville, afin d’obtenir que le nouveau
gouverneur y portât remède.
Lorsque, le 17 avril 1635, le Cardinal-[nfant fit son
entrée à Anvers, 1l trouva, près de la porte Saint-Georges,
un char sur lequel se tenaient debout plusieurs jeunes filles
richement vêtues, dont l’une, figurant la ville d'Anvers,
lui offrit une couronne de laurier sur un plat d’or en
mémoire de la victoire qu’il avait remportée à Nordlingen.
Dans les rues et sur les places publiques qu’il traversa
(1) Une solennité de ce genre eut lieu à Lille l’année suivante : elle a été
décrite par: J. Houpoy. Lille au XVI siècle, joyeuse entrée d'Albert et
d'Isabelle. Lille, 1873.
>. _ PB —
?
avaient été érigés ,‘en l’honneur du gouverneur, du roi
d'Espagne et des émpereurs d'Autriche, onze arcs de
triomphe où figuraient, entre autres personnages, Janus
et Hercule, et divers grands théâtres où étaient représen-
tées diverses scènes, parmi lesquelles la Pienvenue au
Prince, ses Victot'es à N'ordlingen el à Callao, les Aorreurs
de la Guerre, et le Commerce désertant la ville d'Anvers.
C'était Rubens, qui, dès le mois de novembre précédent,
s'était mis à l’œuvre, à la demande du magistrat, pour
fournir tous les dessins et toutes les esquisses des arcs de
triomphe, des théâtres, des scènes et des œuvres d'art
devant servir à la fète, et qui les avait fait exécuter par
d’habiles artistes. "Ce travail est l’une des principales
œuvres du grand peintre. Lui, le décorateur par excellence,
il eut le privilège de rencontrer l’occasion de décorer une
ville tout entière, et 1l en usa largement et avec une
fougueuse ardeur. [L’ordonnance de l’ensemble, dit
M. Max Rooses dans son travail sur l’'Œuvre de Rubens,
fut grandiose: chacun des arcs de triomphe, chacune des
scènes fut une merveille d'invention (1). Dans les portiques
le maître déploya son beau talent d’architecte et dans les
peintures son goût pour l’allégorie. Les constructions ont
souvent le caractère massif qu'il affectionnait et ses
emblèmes tournent facilement à l’énigme. Mais quelle
variété dans ces monuments éphémères |! Quel symbolisme
ingénieux dans les allégories! Quel grand goût et quelles
formes admirables! Quel génie dans l’ensemble et les détails.
Et s’il fallait faire ressortir certaines parties de ces décora-
tions, ne suftirait-1l pas de rappeler le Neptune commandant
aux flots conservé au musée de Dresde, les portraits
d'Albert et d'Isabelle qui sont au musée de Bruxelles, et
l’Abondance et la Providence qui figuraient derrière la
représentation de la bataille de Nordlingen et que lon
admire encore aujourd'hui au musée de Lille ?
(1) Max Rooses. L'Œuvre de P. P. Rubens, Anvers 1886-1892; t. III, p. 272
et suiv.
— 929 —
Pour perpétuer le souvenir de cette solennité, le magistrat
d'Anvers décida que l'on en ferait une reproduction ornée
de gravures représentant les monuments, les scènes et les
allégories. Cet ouvrage parut en 1642: c’est un chef-
d’æuvre reproduisant des chefs-d’œuvre.
Outre les entrées des grands personnages, il y eut,
fréquemment au X VIT siècle, surtout sous la domination
espagnole, des réceptions de reliques et autres cérémonies
religieuses. À Douai, de 1612 à 1662, on compte huit
grandes fêtes publiques, à l’occasion de canonisations, de
translations de reliques et de fètes relatives aux ordres
religieux. L'assemblée provinciale des Dominicains tenue en
cette ville les 10 et 11 mai 1621 fut célébrée par une proces-
sion dont il est possible d'apprécier facilement le caractère
artistique. Il y a, à la bibliothèque publique de Douai, dans
un manuscrit en parchemin orné, par l’habile peintre
Vaast Bellegambe et par son beau-frère Bon-Lenglet de
remarquables peintures offrant la reproduction de toutes les
décorations exécutées à l’occasion de cette assemblée
provinciale, près du collège de Marchiennes tenu par des
Bénédictins, près de celui d’'Anchin dirigé par les Jésuites
et'au couvent des Sœurs de Saint-Thomas.
Entre les deux collèges, s'élevait une suite de vingt:
quatre grandes arcades, formant perspective, dans chacune
desquelles se trouvaient de grandes peintures, hautes de
seize pieds et larges de douze, représentant la #iiation
spirituelle de saint Dominique, c’est-à-dire les saints qui ont
illustré son ordre ; à la suite d’une fontaine jaillissant de
quatre côtés pour figurer les quatre parties de la Somme de
saint Thomas, on voyait d’abord saint Dominique, debout,
une étoile au front, et à ses pieds son symbole, un chien
Lenant en sa gueule le flambeau de la Parole sainte; puis.
parmi les vingt-trois autres portiques, saint Thomas d'Aquin
foulant aux pieds les grandeurs terrestres, saint Pierre,
martyr, tenant de la main droite un rosaire, et de la main
gauche montrant une torche à des serpents qui rampent à
D —
terre, saint Vincent Ferrier qui jette un Amour dans un
puits, emblème du zèle avec lequel il a attaqué le désordre
dans les mœurs publiques, et la Bienheureuse Béatrice de
Ferrière, qui reçoit la couronne des mains de sainte
Catherine ; dans la dernière de ces grandes arcades était un
tableau représentant la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus, et à
leurs côtés, ici saint Dominique, là saint Ignace, pour
montrer l’union qui existait, en cette fête, entre les
Dominicains et les Jésuites. Ceux-ci avaient établi, dans la
rue qui conduisait à l’église de leur collège, un long
théâtre monté sur échafaudage dans lequel quatorze
de leurs étudiants, figurant, dans le style de l'époque, des
allégories où la mythologie païenne se mêlait au symbolisme
chrétien, représentaient les principales qualités qui distin-
guaient l’ordre de Saint Dominique: la doctrine, la sainteté,
la prière, l’éloquence, la sagesse, la force, la prudence, la
patience, la fécondité religieuse, la charité, l'abondance des
fruits et la perpétuité. Les remarquables esquisses du
manuscrit de Douai nous permettent d’assurer l’exactitude
de la description de quelques-unes de ces allégories que nous
empruntons à un auteur contemporain {1). « Le premier
» jeune estudiant estant assis et ayant une couronne d’or
» fermée à la royalle sur sa teste, à la main droite un
» sceptre d’une pareille estoffe, à la gauche un flambeau
» ardent et sur la poitrine un soleil, représentait la Doc-
» trine.. Le quatriesme accomodé et adjusté comme un
» [Indois, avoit deux ailes aux pieds, deux aux mains et
» deux à la teste, laquelle une couronne de laurier environ-
» noit,et tenoit en la main droite un caducé, à côté estoit une
» ruche à miel etces mots au-dessus d’icelle : snellea accula ;
» il représentait l'Éloquence (on le voit, c'était Mercure).
» Le onziesme, fort aggréable et gracieux à voir, avoit
» Phabit tout parsemé de belles fleurs, la teste couverte
» d’icelles, avec une balance pendantte suricelle, soubs son
(1) Le P. Petit, Fondateur du couvent Sainte-Croix de Douay. Marc Wion,
1653. |
sd
» bras gauche estoit un cornet d’abondance, hors duquel
» sortoient toutte sorte de fruicts, comme grenades, citrons,
» oranges, raisins, Cerises, etc., en sa main droite un cou-
» teau ; une gerbe de bled avec ses grains luy servoit de
» chaiere, et tout cela représentoit la Pérennité de l’ordre.
» Le dernier, fort vénérable et courbé par son grand aage,
» avoit la teste couverte d’un bonnet, comme aussi le corps
» et les mains d’une robe longue et mancheron, et le tout
» fourré de peaux de renard; à l’un de ses costez une
» lanterne ardante, à l’autre une palme contre laquelle
» Éole envoyait son souffle et le vent. Au dessus il estoit
» escript: Von timebis «a frigoribus nivis ».
Vis-à-vis ces allégories, qui sont bien caractéristiques,
élaient représentés sur des colonnes les quinze mystères
du Rosaire et contre la partie du jardin du couvent de Saint-
Thomas, qui faisait pendant à l'église des Jésuites, s'élevait
un arc de triomphe haut de 25 pieds et large de 32 avec
plusieurs colonnes, au centre duquel se trouvait une statue
représentant un personnage appuyé sur une balustrade,
avec le chien, emblème de saint Dominique, auprès de lui ;
la peinture dont cet ensemble élait décoré imitait le marbre.
Dans la rue Saint-Jacques, qui est voisine de la rue condui-
sant à l'église des Jésuites, on remarquait une série de
22 tableaux exécutés avec le plus grand soin, qui figuraient
la suite généalogique des membres de la famile Guzman,
à laquelle appartenait saint Dominique, depuis Rodrigue
Guzman, aïeul du saint, jusqu’à son arrière-petite-nièce
à la cinquième génération, Leonora Guzman, qui épousa
Alphonse, roi de Castille, dont on voyait les neuf
successeurs jusqu’à Philippe IV, alors régnant en Espagne.
L’histoire et l’art avaient donc contribué d’une manière
toute spéciale à la glorification de saint Dominique et à la
pompe de cette grande cérémonie religieuse (1). On y trouve
(1) Les renseignements qui précèdent ont été empruntés en partie au Manus-
crit de sainte Catherine de Sienne, conservé dans la Biblivthèque publique de
- 2 —
partout le goût pour l’allégorie et les personnages mytho-
logiques qui dominait à cetle époque.
VII.
DIX-HUITIÈME SIÈCLE. — LES CENTENAIRES. — LE JUBILE DE 700 ANS
DE LA PROCESSION DE SAINT MACAIRE A GAND.
Le dix-huitième siècle a été, dans le nord de la France et
dans les Pays-Bas, l’époque des centenaires célébrés par
des cortèges qui passaient sous de riches arcs de triomphe
et dans lesquels figuraient un grand nombre d’allégories
et de chars symboliques. Nous pouvons mentionner à
Cambrai le jubilé de Notre-Dame de Grâce, à Valenciennes
celui de Notre-Dame du Saint-Cordon, à Douai celui du
Saint-Sacrement de Miracle, à Lille celui de Notre-Dame
de la Treille, à Bruges celui de la Procession du Saint-
Sang, à Malines celui de mille ans en l’honneur de saint
Rombaut et à Gand celui de sept cents ans en l'honneur de
saint Macaire qui s’était offert au ciel en victime et avait
ainsi obtenu la cessation de la peste qui désolait la ville.
Ce dernier centenaire fut célébré en deux cérémonies
différentes, l’une la procession qui parcourut la ville les
dimanches 31 maiet 14 juin 1767, et l’autre la cavalcade
qui sortit le 1, le 9et le 15 juin de la même année. La
procession, avec ses corporations, ses confréries, ses milices
communales, et tout le clergé séculier et régulier, ne diffère
guère des cérémonies religieuses ordinaires. [Il en est tout
autrement de la cavalcade qui eut son aspect original et
présenta le caractère du X VIII siècle.
Cette marche historique était divisée en quatre parties et
Douai, à une Notice sur ce manuscrit publiée par M. E. de Coussemaker dans
le tome X11° du Bulletin de la Commission historique et à un travail sur les
Fêtes religieuses à Douai au XVIL° siècle, que M. Tailliar a fait paraitre dans le
tome VII des Mémoires de la Société d'Agriculture de Douai, en 1861.
nn —
formée de vingt-quatre allégories représentées par des
oiseaux ou des quadrupèdes gigantesques suivis chacun
d’un ou de plusieurs chars de triomphe qu’accompagnait
un cortège spécial.
Après les troupes de la garnison qui formaient la tête de
la cavalcade, était représentée l’introduction du christia-
nisme à Gand : un Paon gigantesque figurait l’orgueil des
idolâtres, et précédait le premier char sur lequel on voyait
les attributs du paganisme renversés par saint Amand, qui
était debout entre deux génies, portant l’un la croix et
l’autre une ancre, et au-dessous la Religion triomphante.
Derrière, un Phénix figurait saint Liévin, second apôtre de
Gand, ressuscitant le christianisme en cette ville; il était
suivi du deuxième char où le saint martyr apparaissait
élevé en gloire au-dessus des anges.
Voici maintenant la première partie du cortège dont les
personnages étaient représentés par 243 bourgeois et bour-
geoises notables de la ville de Gand. En tète, la Renomimée
entourée de sept anges jouant de la trompette pour proclamer
au loin la gloire de saint Macaire; elle était suivie du troisième
char sur lequel était assise la Pucelle de Grand, défendue par
un lion et tenant les armes de la ville, et par derrière le
char marchaient, avec leurs guerriers et leur suite,
Baudouin IV, comte de Flandre et sa femme Ogive de
Luxembourg, qui gouvernaient le pays lorsqu’éclata la peste
dont saint Macaire délivra la ville. Un Pélican figurait
ensuite saint Macaire faisant à Dieu le sacrifice de sa vie pour
obtenir la cessation de la peste et précédait le quatrième
char où l’on voyait la Pucelle de Gand pleurant sur le
fléau qui décimait la ville et au-dessus saint Macaire à
genoux arrêlant l’ange exterminateur. Le cortège de ce
char était formé de Philippe 1°", roi de France, de Bau-
douin V, tuteur de ce roi, et de Baudouin VI, avec un grand
nombre de chevaliers et de dames. La Zicorne, symbole
du secours donné par saint Macaire au moment des
maladies contagieuses, était conduite en avant du cinquième
3
2
char où l’on voyait l'élévation des reliques de saint Macaire
et qui était suivi par des personnages représentant les
villes où des miracles ont été opérés par l’intercession du
saint, Malines, Cambrai, Mons, Maubeuge, Tournai, Gand,
et par les archiducs Albert et Isabelle, souverains des Pays-
Bas en 1615, lorsque les reliques de saint Macaire portées
à Mons avaient fait cesser la peste qui désolait cette ville ;
un nombreux cortège et vingt grands d’Espagne accompa-
gnalent les archiducs. L’énorme Zion qui figurait ensuite
indiquait le secours accordé par saint Macaire à ceux qui
l’invoquent et précédait le sixième char, où était représentée
la Fulle de Gand tendant une main secourable à la ville de
Mons, et plus haut l’archiduchesse Isabelle se faisant
inscrire dans la confrérie de Saint-Macaire et lui présentant
des offrandes. La reconnaissance envers le saint était ensuite
symbolisée par les villes de la Flandre qui possédaient des
reliques de saint Macaire et par divers comtes de ce pays:
Thierri d'Alsace, Marguerite de Constantinople, Louis de
Male et Philippe-le-Bon, Philippe IT et Charles II, rois
d'Espagne, le duc de Lorraine et madame Royale, abbesse
de Remiremont, et, à la suite d’un Aigle symbole de l’Au-
triche, par le duc Albert de Saxe, l’archiduc Maximilien,
l’'archiduc Ferdinand, l’archiduc Léopold, et par le septième
char où figuraient l’impératrice alors régnante et les prin-
cesses de la maison d'Autriche. Tous ces personnages étaient
accompagnés de leur suite.
Nous ne ferons qu’indiquer sommairement les autres
parties de la cavalcade. La seconde représentait les
quatre Æléments rendant honneur à saint Macaire ; elle
était formée de cinq animaux et oiseaux symboliques, de
cinq chars de triomphe et d’un grand vaisseau avec ses
agrès, ses mäts, ses voiles et son équipage faisant la
manœuvre; 165 personnes de Gand y figuraient. La troi-
sième partie, représentée par 124 gantois et gantoises, mon-
trait les Quatre Saisons honorant saint Macaire, et offrait
cinq animaux el oiseaux emblématiques avec cinq chars de
35 —
triomphe. Dans la quatrième section du cortège, c’étaient
les Quatre parties du monde qui célébraient le saint ; on y
voyait cinq animaux gigantesques, six chars de triomphe, et
des cortèges représentant les peuples de l’Europe, de l’Asie,
de l'Afrique et de l'Amérique : 254 habitants notables de
Gand y figuraient, sans y comprendre les musiciens et la
troupe. Que l’on ajoute à tout cela dix-sept grands arcs de
triomphe, ayant de 50 à 80 pieds de hauteur et de 30 à 40
pieds de largeur, ornés chacun de bas-reliefs rappelant la
vie et les vertus de saint Macaire, de nombreuses inscrip-
tions en vers et en prose, en latin, en français et en flamand,
avec des étendards plus nombreux encore, dans le cortège,
sur les arcs de triomphe et sur toutes les maisons de la
ville, avec des jeux publics, des représentations théâtrales
el des feux d'artifice, le tout en l’honneur du saint, et l’on
pourra peut-être se faire une idée de l’une de ces fêtes que
nos temps modernes ne connaissent plus (1). Le goût n’était
point parfait, on vient de le voir ; mais l’enthousiasme était
grand et les dépenses faites, pour rappeler l’histoire et
donner au cortège un caractère artistique et varié, étaient :
considérables.
VIII.
LIX-NEUVIÈME SIÈCLE. — LES INCAS À VALENCIENNES. — FÊTES AU SUJET
DU B. CHARLES-LE-BON, COMTE DE FLANDRE, A BRUGES.
Sans parler des fêtes de la Révolution, qui n’avaient rien
de spécial comme souvenirs historiques et, par conséquent,
ne rentrent pas dans notre sujet, nous rappellerons ce qui
s’est produit en notre siècle dans plusieurs villes du nord
de la France et de la Belgique.
(4)Mw=* Clément a reproduit le programme de cette cavalcade dans son Histoire
des Fêtes civiles et religieuses; Avesnes 1846, p. 177.
ln
En 1825, la ville de Malines, à l’occasion du jubilé
séculaire de son patron saint Rombaut, organisa une marche
historique, d’une très grande richesse, mais qui rappelait les
processions et les cavalcades de Louvain et de Gand, dont
nous avons parlé plus haut. Les jubilés séculaires célé-
brés à Cambrai en l'honneur de Notre-Dame de Grâce en
1852, à Lille en l’honneur de Notre-Dame de la Treille en
1854 et à Douaien l'honneur du Saint-Sacrement de Miracle
en 1855, furent de splendides manifestations: mais l’élé-
ment historique n'y était pas assez considérable, pour que
nous en parlions en détail.
Le goût de notre siècle pour les études d’histoire et
pour ce qu’on appelle la couleur locale devait donner un
caractère particulier à plusieurs autres fêtes et cortèges.
En 1825, quelques habitants de Valenciennes, peu satis-
faits des grossières représentalions que l’on promenail,
pendant le carnaval, par les rues de la ville, en faisant une
quête pour les prisonniers, se demandèrent par quels person-
nages on pourrait les remplacer, et, s'inspirant sans doute
du souvenir de l’ouvrage de Marmontel, choisirent les Incas,
Ils formèrent, sous cenom, une société qui fit sortir, chaque
année, au carnaval, vers le soir, à la lueur des torches, un
certain nombre de personnages portant le costume du chef
des Incas et de sa suite; le succès fut grand el la quête
pour les pauvres abondante. Bientôt le cortège considéra-
blement accru ne sortit plus que tous les deux ans. En
1840, il eut lieu pendant le jour, et avec une variété de
personnages et un luxe élégant qui lui donnèrent une grande
célébrité et contribuërent à rendre très fructueuse la quête
que l’on y fit pour les indigents. Cette fête des [Incas se mani-
festa dans toute sa splendeur, les 11, 12 et 13 mai 1851. Le
sujet qu’elle représenta fut, comme dit le programme, la
Marche allégorique des Peuples, conduits par le Génie de la
Civilisation à la Concorde universelle. La première époque
rappelait la civilisation de l’antiquité; on y voyait succes-
sivement, représentés par des groupes, des emblèmes et de
on
magnifiques chars, l'Égypte, l'Éthiopie, la Perse, la Grèce
et l’Empire romain ; dans la deuxième époque consacrée au
moyen-àge, étaient figurés l’établissement du christianisme
en Occident, les Maures sousles califes et les Croisades avec
le” XIII® et le XIV* siècle ; la troisième époque avait pour
sujet les temps modernes et rappelait les grandes décou-
vertes du XV® siècle, imprimerie, Amérique, Indes orien-
tales, le siècle de Léon X avec la Renaissance, le X VII®
siècle avec Louis XIV, et entin, le groupe de 1789 suivi de
l’arc de triomphe de l'Étoile avec les grands généraux de
l'Empire et même la conquête de l'Algérie. Ce vaste
ensemble était complété par un char des Ambassadeurs
représentant toutes les puissances de l’Europe unies sous
leurs pavillons en faisceaux, par le char de l'Agriculture et
du Commerce et par celui où se trouvaient les personnages
célèbres de Valenciennes qui ont le plus contribué aux
progrès de l’esprit humain. On remarqua surtout la beauté
des nombreux chars, qui faisaient partie du cortège et la
richesse de plusieurs costumes. On dit que la dépense
totale s’éleva à environ 300.000 francs. Cette fête a été
renouvelée, mais avec moins d'éclat, quelques années plus
lard.
Elle avait excité, dès ses premières sorties, l’émulation
des villes voisines. On représenta, par des cortèges histo-
riques, à Cambrai, en 1839, l’entrée de François [* et, en
1852, l’histoire du Cambrésis depuis les Gaulois jusqu’à
nos jours ; à Arras, vers 1845, la cour des ducs de Bour-
gogne ; à Lille, en 1851, 1852, 1858 et 1863, les fastes de
la ville ; à Gand, en 1849, la série des comtes de Flandre ;
à Saint-Omer, en 1850, l’entrée du comte Guillaume
Cliton. Dans l’ensemble de ces cortèges, on avait voulu
arriver à lavérité historique ; mais trop souvent les recher-
ches n'avaient été faites que dans les recueils formés pour
les théâtres. Comme le dit M. Arthur Dinaux en parlant de
la représentation de l’entrée de Philippe-le-Bon à Douai,
La
Ps
« les costumes sentaient trop ceux des coryphées de l'opéra
« et perdaient à être vus de jour (l'. »
Depuis quelques années, la Belgique et le nord de
la France ont célébré diverses fêtes dans lesquelles la
vérité historique a été observée avec une minutieuse
exactitude. Nous signalerons d’abord le Cortège précédant
une procession, qui a été organisé à Bruges, au mois d’août
1884, en l'honneur du Bienheureux Charles-le-Bon, comte
de Flandre, dont le culte avait été approuvé par le Saint-
Siège en date du 9 février 1882. Grâce à de savantes
recherches dans les documents et à l'étude la plus sérieuse
des costumes dans les manuscrits à miniatures des X[° et
XII siècles, la vie et le martyre du saint ont pu être
figurés d’unemanièrecomplèle et ingénieuse et avec la plus
remarquable vérité historique. La première partie était
consacrée au mariage du père et de la mère de Charles,
Canut, roi de Danemarck, et Adèle, fille du comte de
Flandre, autour desquels se groupaient des chevaliers
danoïs et des seigneurs flamands, avec leurs hommes qui
portaient les présents faits aux nouveaux époux. Dans la
seconde partie, on voyait le prince, jeune encore, ramené à
la Cour de Flandre dans un navire danois, puis se rendant
en pèlerinage à Jérusalem et prenant part à une grande
chasse dans les bois de Wynendale. Son intronisation en
qualité de comte de Flandre, sa Cour et son zèle pour
défendre les villes et le peuple contre la violence des
grands, formaient la troisième partie ; el la quatrième rap-
pelait d’abord son martyre, puis l’arrestation des grands
seigneurs qui l'avaient mis à mort, et enfin sa glorification
sur un Char dont les gradins étaient occupés par des person-
nages représentant les villes de la Flandre. Cette mise en
action d’une des pages les plus intéressantes de l’histoire de
Bruges au XITI° siècle, prètait à des groupes variés et à
(1) ARTHUR Dinaux. Description des Fêtes populaires données à Valen:-
ciennes en 1851, p. 70.
0e
de curieux motifs de décoration ; et elle fut d’autant plus
remarquable que les membres des familles patriciennes de
la ville, hommes, dames, demoiselles, jeunes gens etenfants,
s'étaient fait un pieux devoir d’y figurer et avaient
rehaussé leurs costumes historiques avec les trésors de
leurs écrins. Dans le même ordre d’idées, nous mentionne-
rons encore la partie historique du cortège formé à Tournai,
le 27 août 1892, à l’occasion du huit centième anniversaire
de la procession de cette ville. Nous dirons aussi quelques
mots du Grand cortège religieux el hislorigue, qui a lieu
tous les cent ans à Saint-Trond, ville du Limbourg
belge, et qui vient d’y être célébré le 31 juillet et le
3 août 1893. Toute la population avait prêté son concours
à celte fêle; un grand nombre de dames appartenant aux
principales familles du pays y figuraient à cheval, revèlues
de riches costumes. Certains groupes étaient très remar-
quables, surtout celui des Douze Villes de l’ancien pays
de Looz; nous avons regretté que, pour plusieurs autres,
on ne se soit pas assez conformé à la vérité historique.
IX.
DIX-NEUVIÈME SIÈCLE. — REPRODUCTION DE FÈTES ANCIENNES
À BRUXELLES ET A ANVERS. — LE CENTENAIRE
DE LA LEVÉE DU SIÈGE DE LILLE.
Deux fêtes d'un caractère tout différent ont été organi-
sées à Bruxelles et à Anvers: ce sont deux reconstitutions
absolument exactes de cérémonies el de cortèges, lels
qu'ils s'étaient vus il y a quatre et cinq cents ans.
À Bruxelles, sur cette place de l’hôtel de ville, si riche
en monuments anciens et en souvenirs historiques, a été
renouvelé, en août 1891, le célèbre tournoi qui y avait été
ouvertau X V° siècle. La place était décorée conformément à
une miniature rappelant ce tournoi. En face de l’hôtel de
— 40 —
ville, contre « la Maison du Roi », avait été dressé un haut
et riche décor représentant une forteresse, dont les fenètres
étaient praticables au premier étage ; dans le bas se trouvait
la tribune réservée aux dames et aux damoiselles, abritées
par un grand velum de soie bleue.
À deux heures et demie, des musiciens en costume
X V® siècle, quise trouvaient dans le beffroi, firent entendre,
sur leurs longues trompettes, une fanfare qui annonçait
l’ouverture du tournoi. Aussitôt, des groupes de dames et
de damoiselles, en riche costume XV® siècle, firent leur
entrée, accompagnées de pages et de cortèges d'honneur,
les unes en litière, les autres à cheval et un certain nombre
à pied tenant la main de damoiseaux. Ce brillant cortège
alla prendre place dans la tribune centrale, tandis que des
orchestres, toujours en costume XV' siècle, allèrent
occuper des tribunes plus basses.
Après un signal donné par les trompettes, commença la
première partie du tournoi. Cinquante fantassins, archers
et arbalétriers, divisés en deux corps ennemis, firent les
marches et les contre-marches d'hommes d’armes qui
prennent leurs positions avant le combat et se menacent,
sans toutefois en venir aux mains.
La seconde partie était destinée, comme cela se prati-
quait au moyen-àge, à provoquer l’hilarité dés spectateurs.
A l’extrémité de la piste, un mannequin, armé de loutes
pièces, tenant en son bras gauche un large bouclier et en
son bras droit un fléau, avait été établi sur un pieu qui
tournait au moindre choc. Vingt cavaliers vinrent successi-
vement frapper le bouclieret ne furent pas, pour la plupart,
assez habiles pour éviter de recevoir un coup de fléau, ce
qui fit rire la galerie.
Dans la troisième partie du tournoi, on vit apparaitre
vingt-quatre cavaliers, divisés tantôt en deux et tantôt en
quatre pelotons, qui firent des évolutions très remar-
quables. La plus intéressante fut celle du mai, qui consis-
lait à saisir vingt-quatre larges rubans et guirlandes de
Ale
fleurs, pendant à un mât élevé dans l'enceinte, et à réunir
en divers groupes symétriques les couleurs des divers
rubans.
La quatrième partie fut le tournoi proprement dit. Aux
deux extrémités de la lice furent placées deux tentes portant
lPécu des deux tenants de la joûte. Un écuyer vint, au nom
d’un chevalier, son maître, frapper trois fois l’écu de l’un
des deux tenants qui accepta le défi. Les juges du tournoi
examinèrent le blason du chevalier, puis s’étant placés en
face de la tribune des dames, firent à haute voix lappel des
deux rivaux. Ceux-ci se présentèrent, prirent place chacun
à une extrémité de la lice et, au signal, ils s’élancèrent
l’un contre l’autre et rompirent trois lances. Il en fut de
même pour un autre chevalier qui porta un défi au second
tenant du tournoi. Ensuite, il y eut une joûte des plus
ardentes entre deux groupes de vingt chevaliers couverts
de magnifiques armures de fer, armés d’épées et de lances
émoussées et de massues en osier. La mêlée fut très inlé-
ressantie et très pittoresque.
La dernière partie de la fète fut l’assaut de la forteresse
d'amour. Les dames, les damoiselles et leurs pages ayant
quitté la tribune, avaient pris place aux fenètres du château.
Les chevaliers, après avoir délilé devant elles avec leurs
hommes d’armes, les sommèrent de se rendre. Sur leur refus,
ils firent entrer dansla lice une troupe de cinq cents archers et
arbalétriers, qui menaientavec eux trois catapultes, grandes
machines de guerre dont les munitions étaient des fleurs ; les
flèches des archers étaient aussi ornées de fleurs. D’innom-
brables gerbes et bouquets furent lancés contre la forteresse.
Les assiégées ripostant de mème el continuant à refuser de
se rendre, les archers se réunirent par groupes, formèrent
la tortue à l’aide de leurs boucliers, puis, saisissant de
longues échelles, montèrent à l’assaut et enlevèrent les
dames el les damoiselles que les chevaliers placèrent sur
leurs chevaux. Le cortège fit ensuite le tour de l'enceinte
aux applaudissements de tous les spectateurs.
— & —
Ayant déjà parlé plus haut des fêtes d'Anvers, nous ne
dirons que quelques mots des cortèges du 14, du 16 et
du 21 août 1892, dans lesquels a été représentée l’entrée en
cette ville des Chambres de rhétorique qui avaient pris part
au concours de poésie en l'année 1561. C'était encore une
reconstitulion absolument exacte de ce qui s'était fait 1l y a
plusieurs siècles. Des gravures de l’époque ont permis de
se conformer, en 1892, à l’article du programme qui exigeait
que les costumes, les emblèmes, les étendards, les chars.
fussent semblables à ceux qui avaient figuré en 1561 :
toutefois, les sujets représentés sur les chars étaient laissés
au choix des sociétés, qui formaient dix-sept groupes,
pourvu qu'ils fussent consacrés à des fails historiques anté-
rieurs à 1561. |
Tous ceux qui ont assisté à ces fêtes ont été unanimes à
vanter la fidélité historique et la somptueuse richesse de ce
cortège, dans lequel ont figuré deux mille personnages,
dont cinq cents à cheval, et qui se développait sur une
étendue de 1500 mètres. |
Il nous reste à parler de la Marche historique qui a eu
lieu à Lille le 9 octobre 1892. Cette date était celle d’un
glorieux anniversaire. Le 8 octobre 1792, la ville de lulle,
après avoir été bombardée pendant dix jours par les Autri-
chiens, qui tiraient à boulets rouges, eut la gloire de voir
l'étranger lever honteusement le siège. Ce fut un grand
événement au point de vue de la défense nationale ; au lieu
d'ouvrir ses portes, comme Longwy et Verdun, Lille
avait résisté héroïquemont.
Le centenaire de cette date glorieuse devait être célébré.
Une Commission, formée sans distinction de partis et
d'opinions politiques, fut chargée, sous la direction de son
habile président M. Bigo-Danel, d'organiser une marche
historique. Le Comité spécial auquel fut confié le soin de
préparer le programme (1) se dit qu’il fallait faire choix,
(1) Ce Comité special était formé de Mur. Dehaisnes et de MM. Clainpanain,
Finot et Quarré-Recybourbon.
— 43 —
pour le cortège, d’un sujet offrant tout à la fois de l’unité et
de la variété, permettant de graduer l'intérêt et de rappeler
des faits relatifs à Lille et à la région qui l’environne : il
proposa de représenter sept grandes époques de l’histoire
de cette ville, dans chacune desquelles l’élément militaire
pourrait trouver place; la vérilé historique devait être
observée avec un soin minutieux; toute scène triviale, tout
personnage bouffon devait ètre sévèrement écarté, afin de
montrer les sept époques défilant devant la foule, avec la
gravité de l’histoire qui se déroule à travers les siècles.
‘ette proposition et le programme développé qui l’accom-
pagnait furent adoptés : et grâce à l’union de tous, à
l’activité des membres de la Commission, aux souscriptions
particulières qui s’élevèrent à plus de 73,000 francs, aux
sacrifices personnels d’un très grand nombre de figurants,
à la générosité de l'Administration de la ville et du Conseil
municipal, au concours de l’armée qui fut gracieusement
accordé par le Ministre de la Guerre, il fut possible d’orga-
niser en trois mois un immense cortège, qui se dévelop-
pait sur une étendue de près de deux kilomètres, auquel
prirent part environ 2500 personnes, dont plus de 800 à
cheval, et pour lequel on fit une dépense de plus de
400,000 francs.
Nous ne ferons qu'indiquer sommairèment les sept
époques dont il était formé. La première, VII* siècle,
consacrée à la légende et au défrichement du sol, présentait
un aspect à demi-barbare ; la seconde, XI° siècle, rappelait
les véritables origines historiques de Lille, et offrait le
caractère guerrier des chevaliers qui prirent part à la
première croisade; dans la troisième, XIII siècle, les
costumes étaient dignes de la première période du style
ogival ; on remarquait dans la quatrième, XV® siècle, tout
le luxe des ducs de Bourgogne; dans la cinquième, XVI
siècle, la sévère magnificence de Charles-Quint et de ses
successeurs ; et dans la sixième, XVII° siècle, l’élégante
splendeur de la cour de Louis XIV. Ce qui dépassait tout le
CR > io
=
reste, c'était la septième époque, 1792; formés de plus de
900 hommes, dont les costumes rappelaient, avec une
exactitude scrupuleuse, les uniformes des divers régiments
en garnison à Lille et des canonniers lillois au moment du
siège, ses divers groupes produisaient, par leur ensemble
simple et grandiose, l'effet le plus puissant.
En terminant ces pages, nous nous permeltrons de repro-
duire les dernières lignes d’un compte rendu des Fêtes de
Lille, écrit par un rédacteur du Journal des Débats,
M. Gaston Deschamps.
« L'initiative des particuliers, aidée par le concours des
autorités civile el militaire, a toul fait, pour éviter, dans
la difficile organisation de ces fêtes, le désordre et la
banalité. Depuis M. Émile Bigo-Danel, dévoué président
du Comité, jusqu'aux ouvriers qui ont quitté leurs labou-
rages et métiers, pour contribuer à l’éclat du centenaire,
tout le monde s’est efforcé de donner à cette commémo-
ration un caractère de magnificence artistique, qui fût
digne de répondre à l’amour-propre local et à l'attente
des étrangers. Point de figurants payés, empruntés pour
la circonstance à l’ Africaine ou à la Juive. Rien de cette
friperie pseudo-historique, décrochée au vestiaire des
bals de l'Opéra, que nous avons vue, dans les rues de
Paris, sur lé dos des « précurseurs de la Révolution ».
Un érudit connu par de beaux travaux sur l’histoire
de l’art en Flandre a réglé minutieusement les délails
des costumes et des armoiries. Un peintre de talent,
M. Van Driesten, a passé des mois au cabinet des
estampes, au musée d'artillerie, au musée de Cluny.
Il a fait, d'après les modèles originaux, une série de
quatre cents aquarelles, et l’on n’a rien épargné pour en
donner au public la reproduction vivante. La flandre
a toujours aimé les assemblées, les beaux cortèges, les
processions, les pompes décoratives. Elle mel jusqu'en
ses divertissements, une conscience, un sérieux, un
goût de la richesse et de « la bonne qualilé » que l'on
— À5 —
retrouve dans toutes ses occupations... On ne peut
s'empêcher de noter, à propos des fêtes de Lille, combien,
dans ce pays, le passé tient au présent, et de conclure
que la noble cité peut, sans commettre d’anachronisme,
ressusciter son histoire locale, puisqu'elle a gardé, sous
tous les costumes et sous tous les régimes, sa forte indi-
vidualité, son goût du travail et son aptitudeà se défendre,
l'amour de ses franchises, une ténacité robuste et une
fermeté dans ses desseins, qui lui ont permis de conserver,
malgré les exigences de la centralisation administrative
et sa conscience profonde de l’unité nationale, un peu de
cette allure originale et personnelle qu’avaient autrefois
les villeslibres. » |
Cette conclusion que M. Gaston Deschamps a cru pouvoir
exprimer après avoir vu seulement les fèles de Lille, nous
croyons avoir le droit de la faire sortir, à fortiori, pour
l’ensemble de notre région, des pages que nous venons
de consacrer à l’histoire et à l’art dans les Fêtes et les
Cérémonies publiques aux Pays-Bas. |
IL.
VII.
VIT.
IX.
TABLE DES MATIÈRES.
. Douzième et treizième siècles. — Les processions de pénitence et
les felos.JOYeUSeS is es des rit enr emo
Quatorzième et quinzième siècles. — Fêtes et tournois donnés par
les bourgeois, les seigneurs et les princes..................,...
. Quinzième siècle. — La procession de Louvain............,..,,..
. Seizième siècle. — Entrée de Charles-Quint à Douai........... ie
. Seizième siècle. — Concours entre les Chambres de rhétorique du
Brabant à Anvers. — Représentation d'un mystère à Valenciennes.
. Dix-septième siècle. — Entrée de Ferdinand d'Autriche à Anvers.
— Fêtes à Douai, à l'occasion de l'assemblée provinciale des
DOomini ainsi nid ia aa eiseeeesnen
Dix-huitième siècle. — Les centenaires. — Le jubilé de 700 ans de
la procession de saint Macaire, à Gand...................,...,
Dix-neuvième siècle. — Les Incas à Valenciennes. — Fêtes au sujet
du B. Charles-le-Bon, comte de Flandre, à Bruges..............
Dix-neuvième siècle. — Reproduction de fêtes anciennes à Bruxelles
et à Anvers. — Le Centenaire de la levée du siège de Lille
PAGES
s)
10
17
20
23
a _
Digitized by Google
D
jgitize
d'by (e
O
O
qlé